
Sur cette carte postale de Rouen on voit un Chausson qu'on peut supposer être un APH (avant droit, arrière bombé, pavillon bas), sans doute un APH2-522. Les Chausson, on ne sait jamais comment les désigner.
La Seine est dans notre dos, les immeubles récents sont des reconstructions car les très beaux quais de Rouen (des bâtiments d'un style assez haussmannien) avaient été ravagés par les bombardements de la 2e guerre. La rue en face est la rue de la République, les tours sont celles de la cathédrale, devant laquelle, place de Gaulle, était située la station centrale du réseau avec un beau kiosque (auvent en ferronnerie, parois revêtus d"une mosaïque décorative à motifs géométriques). Guère entretenu ce kiosque fut détruit, une nouvelle construction de style fin XXe siècle, avec influence Decaux et réminiscences Art Déco, lui a succédé, mais on est loin de la qualité du modèle initial, malgré quelques panneaux de céramique récupérés (ou d'un genre approchant) ; elle est peut-être détruite aujourd'hui.
Sur la photo on voit cet APH en service sur la ligne 12 qui, sauf erreur, partait de la gare Rive Droite (jadis nommée gare de la rue Verte, un joli nom) et, poursuivant vers Saint-Sever puis empruntant un trajet très rectiligne, passait devant le Jardin des Plantes et se terminait au sud, au Champ de Courses.
Cette ligne 12 était la plus grosse de Rouen : avant la mise en service des bus articulés elle était desservie par 150 rotations par jour (selon un membre du forum Réseaux normands, voir
Still76 le Lun 16 Mai 2011 - 22:07 dans :
http://reseaux-normands.forumactif.com/ ... -annees-70).
Cet autobus est très probablement en service à deux agents, mais à Rouen les bus, du moins la partie du parc qui était à deux agents, présentaient la rare particularité d'avoir un accès à l'avant (au lieu du traditionnel accès par la porte arrière), le receveur étant placé après le passage de roue avant, adossé au flanc droit, ce qui permettait une entrée toujours par l'avant, que le véhicule fût à un seul ou deux agents.
Son diagramme doit sans doute être celui-ci (mais la disposition des portes pouvait être différente car les bus rouennais étaient configurés de diverses façons) :

En 1985 la ligne 12 était encore desservie par des successeurs, les Chausson SC4b (que l'on nomme aussi APU 2552), à deux agents, c'étaient les derniers Chausson encore en service à Rouen, tout le reste n'était que SC10 ; c'était aussi la dernière ligne exploitée avec deux agents, tout le reste du réseau était à un seul agent. Il y avait aussi des SC4b semblables à Strasbourg-CTS, mais à un seul agent. Tous ces bus avaient trois portes doubles en 444, ce qui avait nécessité, pour placer le moteur et dégager la plateforme avant, un capot en saillie. Ce capot avait fait l'objet d'une étude particulièrement judicieuse et réussie pour que l'esthétique ne soit pas altérée. D'harmonieuses courbes et contre-courbes rendaient très élégante cette saillie de carrosserie. Mais non, ne croyez pas tout ce qu'on vous dit : ces bus étaient moches comme des poux, ils étaient pénibles à voir, leur esthétique était à hurler. Et pourtant il y avait eu encore pire : des Chausson de Lille-CGIT et Lille-ELRT (mais tous à un seul agent, à 2 portes
en 044 en 043, à la CGIT comme à l'ELRT), ils avaient été achetés d'occasion
(du moins à la CGIT, tandis qu'à l'ELRT il s'agissait peut-être d'une transformation d'une partie du parc existant, mais je ne garantis rien, c'est à vérifier) et bizarrement bricolés pour ménager une porte avant double, mais à panneaux pliants de largeur inégale.
Correction : sur les Chausson lillois rallongés, genre SC4b (tant de la CGIT que de l'ELRT), la porte avant était élargie, mais sans être à quatre vanteaux : il y avait seulement trois panneaux inégaux : un petit à gauche, un grand au milieu et un petit à droite ; comme sur les Renault R4000 la porte s’ouvrait en deux parties : un panneau d’un côté, deux panneaux de l’autre. Sur ces bus la disposition des portes n’était donc en 044 mais en 043..
Mais les Chausson lillois de la CGIT n’étaient pas des SC4b , ils restaient des APH car ils montraient des différences importantes : pavillon bas et arrière bombé, au moins pour certains, peut-être pour tous ?). La calandre du moteur (plutôt un groin) était différente. Il s’agissait de véhicules d’occasion qui avaient été transformés tant bien que mal, tandis que les vrais SC4b (Rouen-CTR et Strasbourg-CTS étaient conçus ainsi d’origine, comme les quelques APH-A sans capot saillant, de Lille-ELRT et Grenoble-SGTE, les plus réussis de tous. Dans ces APH-A on avait agrandi tout le porte-à-faux avant, comme Berliet l’avait fait pour créer les PH100 à partir du PH85 (c’était plus simple pour les Berliet : leur moteur était entre les essieux, et non pas à l’avant).
En revanche, les Chausson lillois de l’ELRT étaient des APV ou SC4 bricolés en SC4b : leur pavillon était rehaussé, leur arrière était plat. L’angle avant-droit avait perdu la petite vitre panoramique du pare-brise typique des Chausson et l’effet était assez moche (idem pour les APH transformés de la CGIT). Certains étaient en portes 043, d’autres en 443, y en aurait-il eu encore d’autres ? À l’ELRT il y avait des variantes de matériel qu’un bon connaisseur des transports de Lille-Roubaix-Tourcoing pourrait nous détailler..
Chausson genre SC4b (transformation Durisotti) de Lille-ELRT (photo de Jean-Henri Manara) :
https://www.flickr.com/photos/jhm0284/5765589560À Grenoble-SGTE et à Lille-ELRT il y eut aussi des Chausson rallongés (Grenoble : à trois portes doubles en 444, Lille : 2 portes doubles en 044), mais sur ces autobus-là c'est toute la cabine qui avait été avancée, il n'y avait donc pas de capot en saillie et leur esthétique était impeccable, elle était semblable à celle des SC4 standards, à part le porte-à-faux avant plus important.
Il s'agissait du modèle APH-A, malheureusement construit en quelques exemplaires seulement : 3 unités à Grenoble-SGTE (n° 211, 212, 213, achetés en 1963) ; pour Lille-ELRT j'ignore le nombre. À Grenoble-SGTE comme à Lille-ELRT ces bus longs étaient à un seul agent. Leurs portes étaient en 444 à Grenoble-SGTE et en 044 à Lille-ELRT.
Chausson APH-A de Grenoble-SGTE (sur le site
Standard 216, photo Jean-Marie Guétat), remarquer la petite vitre derrière celle du conducteur :
http://www.standard216.com/wp-content/u ... ph_a-2.jpgChausson APH-A de Lille-ELRT (photo d'Amsterdam Rail) :
http://imagizer.imageshack.us/v2/800x60 ... 81ckf5.jpgSur le forum
Transport de Lille on voit (2e photo) sur le réseau de l'ELRT un genre de SC4b bricolé (à gauche) et un APH-A (à droite), plus un tramway du Mongy :
http://transportdelille.xooit.com/t798- ... agnies.htmSur le blog de
Gege 75-53 on voit la restauration d'un APH-A de Lille-ELRT (1re et peut-être 2e photos) et d'un SC4b Durisotti du même réseau (3e photo), photos Amitram et Ph. Willaert :
http://gege75-53.skyrock.com/3222016139 ... ITRAM.htmlÀ Rouen il n'y eut, à part les SC4b plus récents (pavillon rehaussé, arrière plat), que des Chausson des séries les moins modernes car ces bus avaient été achetés en nombre assez conséquent juste après la guerre — certaines lignes de trams roulaient encore. Il semble que ce parc étant suffisant il n'y eut pas la nécessité d'acheter de nouveaux Chausson, hormis les SC4b. Les autres Chausson de Rouen étaient des nez-de-cochon et des APH (avant plat, arrière bombé, pavillon bas). Il n'y eut ni APU ni APV, ni SC4, sauf leurs dérivés SC4b. Les portes étaient de dispositions assez variées.
Édition : Leur livrée d'origine était haut vert foncé/large bande crème/bas vert foncé, certains (dont des nez-de-cochon et les SC4b) reçurent la nouvelle livrée grise/rouge/grise.
Photos de Jean-Henri Manara :
Et pour finir, un petit détail sur la carte postale : à droite on voit un car Isobloc, à l'arrière très particulier. Peut-être une influence des tramways PCC américains ? Les Isobloc étaient construits en France (Joseph Besset) sous licence américaine.