Il semblerait que le concept horaire des CFF pour 2035 (non encore publié mais circulant apparemment dans certains milieux spécialisés) pose de sérieuses questions sur l'avenir du réseau suisse, au point que la CiTraP publie déjà une critique véhémente de celui-ci (en annexe, à la fin du document en lien, une liste (nombreuse) des différents griefs de la CiTraP) :
https://www.citrap.ch/uploads/5/5/7/7/5 ... 035_fr.pdfA travers les lignes j'entrevois plusieurs motifs de fond :
1) l'abandon du système WAKO va continuer à avoir des conséquences fortes pour les décennies à venir. C'est probablement un des plus grands fiascos de l'histoire ferroviaire suisse, entrainant des retards de plusieurs décennies quant à la réalisation d'objectifs initialement fixés pour Rail2000...
2) l'abandon de la pendulation sur le pieds du Jura, s'il est logique en terme de coûts d'exploitation mais aussi de capacités (impossible d'avoir du matériel 2N pendulaire, par exemple, or sur certains trains cela sera nécessaire) risque de dégrader les horaires.
3) les retards dans différents projets d'aménagement, notamment en Suisse romande (noeud de Lausanne, ligne Lausanne - Genève), doivent peser sur le concept d'exploitation.
4) envisager une cadence au quart d'heure, y compris pour les IC, sur les axes principaux implique certains "sacrifices" au niveau des correspondances (voir vis à vis des temps de parcours). Je pense notamment aux IC8/81 qui semblent avoir été décalé d'un quart d'heure. C'est logique en terme de cadence, si on considère qu'il y aura à priori 2 IC1 espacés de 30 minutes entre Berne et Zurich et 2 IC 8/81 espacés eux aussi de 30 minutes (mais décalés de 15 par rapport aux IC 1) sur cette même relation, mais en terme de correspondance, cela pose de sérieux problèmes au niveau de Berne.
5) vu la fréquence et la densité envisagée du réseau 2035, la capacité d'accepter des trains internationaux à la régularité plus aléatoire semble de plus en plus limitée, au point d'envisager des correspondances quasi-systématique à Bâle notamment.
6) Cela dit aussi quelque chose de la stabilité générale de l'horaire futur : avec des tronçons IC/IR cadencés au quart d'heure, mais par des lignes différentes comportant des troncs communs et avec du matériel pas toujours homogène (exemple actuel : les IC Zurich -Berne directs cadencés à la demi-heure sont assurés alternativement en rame Twindexx par les IC 1 et en rames IC2020 par les IC 8), et avec aussi un renforcement généralisé du trafic régional, le moindre problème d'exploitation risque d'entrainer un effet papillon pouvant toucher l'ensemble de la Suisse.
Avec une cadence au quart d'heure, j'aurais tendance à dire que si le retard est de plus de 5-6 minutes, il vaut mieux supprimer un train que de le laisser continuer (quitte à remettre un train de remplacement sur le parcours terminal, où la cadence n'est plus qu'à la demi-heure), car les conséquences sur le réseau et donc les passagers seront bien plus grandes dans ce deuxième cas. Mais 5 minutes de retard, c'est quasiment rien...
Bref, le beau concept horaire 2035 publié en 2019 (cf.
https://sbb-step2035.ch/fr/) semble aujourd'hui devoir être affronté à un certain principe de réalité. Et cette réalité c'est que l'offre proposée semble croître bien plus vite (en lien avec une explosion de la demande) que le développement des infrastructures nécessaires à la réalisation d'une telle offre. Et aussi que les problèmes ne sont pas seulement financiers, mais aussi structurels : cela prend du temps de réaliser ces énormes projets, et il semble, de surcroit, y avoir un déficit en termes de capacités d'ingénierie.
Face à cela, que faire ? Peut-être accepter qu'on a été trop ambitieux et qu'envisager dans 10 ans une cadence au quart d'heure systématique sur les axes les plus chargés et à la demi-heure sur les autres n'est peut-être pas pleinement réalisable en l'état...
