L’avocat Charles Poncet est sévère avec la police valaisanne
«La police n'avait pas le droit de diffuser la vidéo du drame survenu à Sierre en 2012». Elle a déjà été visionnée plus de 240'000 fois.Un bras de fer politique à quelques semaines des élections cantonales ? En tout cas, le Valais s’enflamme autour de la vidéo du drame de Sierre, lequel avait fait 28 morts le 13 mars 2012. Et la même question tourne en boucle: la police avait-elle le droit de la diffuser ? Mais après tout, la vidéo ne montre pas l’accident de l’autocar belge, tout comme elle ne montre ni mort ni blessé. Et dans la presse, des photos plus choquantes ont déjà été publiées.
L’avocat genevois Charles Poncet ne prend pas en compte ces considérations. «C’est encore un truc à la Suisse où on ne sait pas où ça va, résume-t-il. Mais la méthode est inadmissible. Elle est révélatrice d’une désorganisation dans la ligne de commandement. C’est surtout un cas d’école car je ne connais aucun autre exemple de cette ampleur.
»Pour comprendre, ajoute-il, il faut être conscient que, dans une affaire d’accident qui peut aboutir à un homicide par négligence, tout le monde est suspect: le chauffeur du bus, l’organisateur du voyage, ou encore les secours qui ont peut-être mal agi. La police n’a donc pas à justifier son propre travail. Il s’agit d’une violation du secret de fonction puisque l’enquête est en cours. Ou encore d’une violation de la procédure pénale qui stipule que seul le procureur peut rendre ces images publiques au nom de l’intérêt général.»
Mais l’avocat va plus loin : «La démarche du procureur de donner les images à la RTS, un seul média donc, et sous contrôle, n’est pas plus acceptable. Ce n’est pas compatible avec une communication qui doit être honnêtement transparente, c’est-à-dire neutre, objective et complète. Il doit être récusé ou sanctionné.»
En Valais aussi, les réactions n’étaient pas tendres hier. Des images choquantes, un manque de respect pour les familles des victimes, du voyeurisme pur… Le but premier était de calmer les critiques de quelques familles de victimes qui dénoncent la lenteur des secours. Au final, c’est une seconde polémique qui est née. Et c’est Esther Waeber-Kalbermatten (PS), la ministre de tutelle, qui porte la charge, rappelant que «la plupart des familles» n’avaient pas vu ces images. «Essayez seulement d’imaginer ce qui peut passer par la tête d’une mère qui a perdu un enfant, commente Thomas Burgener, ancien conseiller d’Etat socialiste. La police pouvait diffuser les minutes de l’intervention sans montrer les images.»
Sans parler de sanctions, Esther Waeber-Kalbermatten assurait hier qu’elle explorerait «toutes les pistes pour éviter que la police continue à communiquer de cette manière». Elle vise ainsi Jean-Marie Bornet, chef de l’information de la police cantonale, qui apparaît sur la vidéo. Contacté, il se contente d’expliquer qu’il n’a plus le droit de s’exprimer sur le drame. Christian Varone, son chef en congé et désormais candidat PLR au Conseil d’Etat, se tait lui aussi.
C’est bien Jean-Marie Bornet qui semble avoir le plus mauvais rôle. Lâché par sa ministre d’un côté et de l’autre, par le pouvoir judiciaire dont il prétendait avoir une autorisation pour diffuser les images. Le procureur général Olivier Elsig l’assure : «Je n’ai jamais été informé du plan de communication de la police. J’avais donné une autorisation de principe pour l’émission Temps Présent programmée en mars. Mais avec un droit de regard sur le résultat final. Et surtout avec la pensée que la vidéo de 15 minutes ne serait pas diffusée en entier et que, tout au plus, on verrait une voiture de police ou une ambulance arriver sur les lieux de l’accident.»
On est bien loin des images que plus de 240000 internautes ont vues sur YouTube, avec des séquences durant lesquelles des enfants sautent par le pare-brise arrière. Le magistrat ajoute: «Je suis d’accord avec la ministre : c’est choquant. Et je sais, pour avoir des contacts réguliers avec la Belgique, que certaines familles sont déjà ébranlées.» Les médias belges se sont aussi emparés de la vidéo et Jean-Marie Bornet est déjà sous-titré en flamand sur Internet.