par mistterfrise » 22 Juin 2022 21:28
Article du DL :
Bus à haut niveau de service à Annecy : vers des expropriations en masse à Sevrier ?
Selon le collectif d’associations Grenelle, pour construire sa ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) sur la rive ouest du lac, le Grand Annecy devra acquérir entre 156 et 187 propriétés privées à Sevrier. Décryptage.
Par Muriel ROTTIER - 20 juin 2022 à 06:05 | mis à jour le 20 juin 2022 à 15:20 - Temps de lecture : 6 min
Depuis le vote du 27 janvier dernier après d’intenses débats et des rebondissements à l’automne , le dossier du futur réseau de transport en commun en site propre intégral (TCSPI) du Grand Annecy ne fait plus parler de lui.
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Le projet avance pourtant dans l’ombre. L’Agglo a lancé le 10 mai 2022 l’appel d’offres pour recruter les entreprises qui seront chargées pendant 18 mois de faire les études préliminaires et d’accompagner la concertation publique. Elles seront sélectionnées en septembre.
En parallèle a été votée la première préemption foncière au bord de la RD1508 à Sevrier, sur le tracé du futur bus à haut niveau de service (BHNS). Le Grand Annecy va racheter à Létraz Chuguet l’ancienne auberge des Tonnelles, qui sera rasée pour faire de la place aux voies de bus.
D’autres préemptions seront nécessaires et un appel a été lancé aux maires de la rive ouest pour qu’ils soient en veille sur les opportunités qui se présentent le long de la RD1508.
Double voie de bus ou circulation en alternat ?
À ce sujet, un collectif d’associations jette un pavé dans la mare, sous la forme d’un document de 24 pages accompagné d’une vidéo , qui a été vue près de 1 500 fois. Selon le Grenelle des transports et de la qualité de l’air du bassin annécien, pour faire passer un BHNS dans le cœur de Sevrier (entre Beaurivage et le McDo), il faudra entre 156 et 187 acquisitions foncières… Soit potentiellement bon nombre d’expropriations.
Le chiffre le plus haut se base sur une bande de 21 mètres de largeur, nécessaire pour aménager une double voie de bus. Le plus bas, sur une bande 18 mètres avec seule voie de BHNS. Ce dernier circulerait alors en alternat, une option qui dégrade son efficacité et que le Grand Annecy n’envisage que sur des portions où il n’est pas possible de faire autrement, notamment dans le tunnel de la Puya.
À 21 mètres, on passe à ras de la mairie
Pour faire son calcul, le Grenelle a pris le cadastre et tracé des lignes droites correspondant aux deux largeurs. Verdict : à Sevrier, la voirie disponible sans empiéter sur des terrains privés varie entre 10,5 et 13,80 mètres.
« À 21 mètres, on passe à ras de la mairie et on empiète sur une grosse partie du parking du complexe d’animation. Il va aussi manquer 10 mètres à Saint-Jorioz au pont du Laudon », observe Olivier Labasse, l’un des porte-parole du Grenelle.
Pour le collectif, un tracé aussi contraint compromet fortement la concrétisation du projet, qui risque de subir de nombreux recours. La démarche des associations n’est évidemment pas innocente : le Grenelle milite de longue date pour un tramway sur la rive ouest, tram qu’il veut installer sur l’ancienne voie ferrée, en lieu et place de la voie verte qui serait déplacée juste à côté.
Convaincu que cette solution reste la meilleure et que les élus ont voté sur la base d’« éléments trompeurs », il appelle de ses vœux une double étude, bus et tramway, comme sur l’axe Seynod-Pringy. « La faire tout de suite permettra de gagner un an ou deux, puisqu’on va apprendre de toute façon qu’un BHNS ne passera pas. Et la commission nationale du débat public (CNDP) va la demander », explique Olivier Labasse.
Didier Sarda : « Surtout des haies et des bouts de parkings »
21 000 m² de foncier à acheter sur la rive ouest : ce chiffre avait été porté à la connaissance des élus lors du vote qui a lancé les deux premières branches du futur TCSPi entre Duingt et les Glaisins. Les conclusions du Grenelle n’émeuvent donc pas spécialement Didier Sarda, vice-président du Grand Annecy en charge des mobilités, qui pilote le projet. « Oui, il y aura beaucoup de parcelles impactées », admet-il.
Mais il s’agira principalement, selon lui, « de haies, de bouts de parking, de terrains le long des zones industrielles. Et de temps en temps d’une maison, mais c’est assez rare ». Les “verrous” nécessitant soit des démolitions, soit quand c’est impossible une circulation en alternat, seraient moins d’une dizaine le long du tracé, lequel ne sera de toute façon pas aussi rectiligne que sur le schéma du Grenelle.
« Comme leur objectif est de faire peur, ils ont fait un exercice linéaire. En réalité, le corridor louvoiera légèrement pour qu’on n’ait pas à prendre 50 maisons d’un côté », explique Didier Sarda. « Ce qui va être pénalisant, c’est quand une maison a quatre mètres de jardin entre elle et la route et qu’on va en rogner une partie », reconnaît l’élu.
Les préemptions - le Grand Annecy en a deux autres en ligne de mire - ont pour objectif d’éviter des expropriations ultérieures et les conflits qu’elles peuvent entraîner.
« On est là pour améliorer le quotidien des gens. On vient avec de l’intérêt public au sens noble du terme et le projet n’est pas secret, cela fait un moment qu’on en parle », rappelle le vice-président aux mobilités, qui se dit également « serein » sur le risque de voir le projet retoqué par la CNPD.
« Si à chaque fois, on doit tout remettre sur le tapis et ne jamais prendre de décision, on n’avance pas. On a fait le pari d’avancer et on expliquera nos choix, qui sont basés sur des convictions et des faits », souligne-t-il.
« En étant pragmatique et logique, on aurait donné la priorité au nord de l’agglomération. » Archives photo Le DL /M.R.
Pour Frédérique Lardet, « le Grenelle rabâche les mêmes choses depuis 15 ans »
« Le Grenelle rabâche les mêmes choses depuis 15 ans. Mais en 15 ans, les choses ont beaucoup évolué et ils ne prennent pas en compte toutes ces évolutions : technologiques et celles du territoire », cingle la présidente du Grand Annecy, Frédérique Lardet, que la « fixette » (c’est son expression) du collectif d’associations sur le tramway au bord du lac agace.
« Ils sont dans le dogme, ils s’alimentent politiquement avec ça », relève-t-elle, en regrettant que le Grenelle « ne s’intéresse absolument pas » à la deuxième branche de la ligne de BHNS, qui ira vers les Glaisins pour notamment desservir le campus et ses étudiants.
Si l’option tramway n’a jamais été envisagée, « sauf par les associations », c’est selon l’élue parce que les études « ne l’ont jamais recommandée ». « Quelle impression donnerait un tramway qui circule à vide la journée ? Si en plus on le positionne au bord du lac, pour les habitants qui habitent sur les hauteurs de Saint-Jorioz, cela fait quatre kilomètres pour aller chercher la première station. »
Le Sila veut étendre la voie verte
Elle rappelle aussi que la voie verte « est de la compétence du Sila, qui ne veut pas installer un tramway dessus pour plein de raisons : c’est la plus fréquentée d’Europe, le Sila veut engager des travaux pour l’étendre. Et nous, nous allons avoir besoin de véloroutes et de voies vertes élargies, améliorées et sécurisées, pour que les gens utilisent au maximum le vélo dans l’attente du TCSPi. »
Pour Frédérique Lardet, « le sujet de la circulation n’est malheureusement pas centré sur la rive ouest. Si on raisonnait en termes de baisse des gaz à effet de serre, en étant pragmatique et logique on aurait donné la priorité au nord de l’agglomération, où on a 40 000 à 60 000 véhicules par jour et des bouchons majeurs, contre 25 000 sur la rive ouest. »
Enfin, il y a la question financière. « Notre enjeu est de trouver la meilleure équation possible. On a une enveloppe budgétaire qui n’est pas infinie et on doit mettre les bons investissements au bon endroit. Dans les 10 ans à venir, l’Agglomération va avoir plus d’un milliard d’euros à investir en politiques publiques, quasiment 1,4 milliard. Il faut faire des choix, on ne peut pas mettre tout l’argent au même endroit, donc on le met là où on est sûr que ce sera le plus efficient », souligne la présidente du Grand Annecy.