www.angersmag.info Wrote:Seconde ligne de tram : un nouveau pont, oui, mais quel tracé ?
Rédigé par Sébastien ROCHARD - Le 19/01/2016 - 08:09 / modifié le 19/01/2016 - 09:26
Les élus du conseil communautaire ont entériné lundi soir le choix du groupement Egis Structures/Lavigne pour la construction du futur pont de franchissement de la Maine, qui accueillera, à l'horizon 2019, la seconde ligne de tram. Situé à l'endroit de l'ancien Pont des Treilles, il reliera les places Molière à La Rochefoucauld, pour 8 M€. Un moment important, mais moins que ceux qui devraient animer l'agenda des élus ces prochaines semaines : jusqu'au 15 février, date du prochain conseil communautaire, il s'agira de se décider sur la faisabilité de cette seconde ligne de tram. Avec deux juges de paix : le porte-monnaie et l'ambition politique.
Le futur pont du tram, au-dessus de la Maine, tel qu'imaginé par le groupement Egis Structures/Lavigne architecte, lauréat du concours lancé au printemps 2015.Un pont pour patienter. C'est en partie ce qu'il faut retenir du premier conseil communautaire de l'année calendaire, lundi soir.
Sans surprise, les élus de la toute nouvelle Communauté urbaine (CU) ont entériné le choix effectué par le jury constitué au printemps 2015, concernant la réalisation du nouveau pont pour franchir La Maine. Son rôle ? Accueillir la seconde ligne de tramway de l'agglomération, ainsi qu'un cheminement cycliste et piétonnier.
Le hasard faisant parfois bien les choses -ou leur donnant tout au moins une certaine cohérence- le jury a désigné, pour la réalisation de ce nouveau pont situé légèrement en amont de l'actuel Pont de Verdun, le même architecte que celui qui a œuvré sur le Pont Confluences, qui accueille la première ligne de tram. C'est donc le groupement composé d'Egis Structures et de Lavigne/Chéron architectes qui a emporté le morceau, sélectionné, sous couvert d'anonymat, parmi quatre projets finalistes.
Très concrètement, le futur pont, situé sur l'ancien Pont des Treilles, doit répondre à un impératif : ne pas masquer ni effacer dans sa forme le Pont de Verdun. Le choix s'est dont porté, à l'unanimité, sur un pont à deux piles -d'où partent quatre bras soutenant le tablier- reliant la place Molière à la place La Rochefoucauld. Un ouvrage fin avec la double caractéristique d'être celui qui offre la plus grande capacité de voir les eaux s'écouler y compris en cas de grandes crues, en même temps que celui qui arrive le plus bas place La Rochefoucauld.
"Je ne comprends pas bien qu'on prenne cette délibération alors qu'on n'a pas pris de décision sur la faisabilité de la seconde ligne de tram. Sans éléments précis là-dessus, je vais donc m'abstenir" - Marc Goua (PS) - vice-président de la Communauté urbaine
8 M€ seront nécessaires à la réalisation de ce pont, envisagé là où La Maine est la plus étroite. Jusque-là, rien de bien polémique. C'était sans compter sur la circonspection de l'un des vice-présidents de l'agglo, le député maire de Trélazé, Marc Goua : "Je ne comprends pas bien qu'on prenne cette délibération alors qu'on n'a pas pris de décision sur la faisabilité de la seconde ligne de tram. Sans éléments précis là-dessus, je vais donc m'abstenir". (10 vote contre et 6 abstentions sur le sujet)
Le président de la Communauté urbaine, Christophe Béchu, ne s'en laisse pas conter : "Il s'agit ce soir de donner quitus à un jury du résultat d'un concours pour lequel nous avons délibéré. Nous nous mettons en ordre de marche, ce qui ne préjuge en rien de la date à laquelle on commence les travaux. On clôture un concours, mais ça n'entraîne pas de versement."
Un débat qui préfigure en quelque sorte celui que les élus de la collectivité auront dans les prochains jours et semaines. Dès vendredi, réunis en séminaire, ils discuteront de la faisabilité ou non de la seconde ligne de tram, et à quel terme. "Une dizaine d'hypothèses" (Christophe Béchu) y seront évoquées, avec un phasage, un calendrier, une enveloppe et les conséquences financières en matière d'emprunts et de fiscalité pour chacune des hypothèses. "Il n'y a pas de débat pour savoir si un jour l'agglo aura besoin d'une seconde ligne de tram ; le débat portera sur sa date de réalisation et sur son coût, compatible ou non avec un investissement de court, moyen ou long terme", prévient Christophe Béchu.
Une seconde ligne, oui, mais à quel terme, et avec quelles priorités ?
Une seconde ligne, oui, mais à quel terme, et avec quelles priorités ?
Bref, un vrai casse-tête en prévision pour les élus, qui devront trancher sur un vrai projet structurant, à l'échelle de l'agglo, comme de la ville d'Angers. Quelques chiffres, d'abord, pour rappeler l'importance de la chose. Le budget prévisionnel d'une ligne intégrale -telle qu'envisagée au début de la présente mandature- s'élève à 245 M€, avec un apport de la Région de 10 M€ et 25 M€ à attendre de l'Etat... si et seulement si 70 % des sommes envisagées sont engagées d'ici à fin 2017. (lire à ce sujet la Tribune que le maire de Saint-Lambert-la-Potherie, Pierre Vernot, avait signé dans nos colonnes il y a un an).
Un point sur le contexte actuel, aussi ; le Monsieur Transports de l'agglo, l'élu angevin Bernard Dupré, l'assure : "Si on retarde la construction, ce sera plus cher ; si on le fait en plusieurs étapes, ça coûtera plus cher. Il faut bien avoir conscience que les entreprises de travaux publics soumissionnent aujourd'hui à des prix inférieurs de 15 % par rapport à il y a 5 ou 6 ans. Et que les taux de crédits ne seront jamais plus bas qu'à l'heure actuelle." Un partisan du "tout maintenant" ? "C'est beaucoup plus complexe que cela...", sourit le vice-président de la collectivité.
On le croit sur parole. Entre ne rien faire et tout engager maintenant, il existe un éventail d'hypothèses très large : faire le pont, mais pas le tram, faire le pont et une partie seulement du tracé envisagé. Oui, mais laquelle ? Belle-Beille - place Molière ? Monplaisir - place La Rochefoucauld ? Un cœur de tracé sans les extrémités ? La décision prise par la commission permanente lors des séminaires de vendredi, puis des 1er et 8 février, avant le conseil communautaire du 15 février, sera évidemment financière, mais aussi éminemment politique. A l'échelle de l'agglo, pour mesurer le degré d'intégration et de solidarité des différentes communes qui la composent, en même temps que la vision qu'a chacun des maires du territoire.
La décision prise par la commission permanente lors des séminaires de vendredi, puis des 1er et 8 février, avant le conseil communautaire du 15 février, sera évidemment financière, mais aussi éminemment politique
A l'échelle de la ville -surtout, serait-on tenté de dire- parce que le maire d'Angers et sa majorité se retrouve là devant un choix cornélien. D'un côté, une promesse de campagne à respecter : celle d'une ligne complète, reliant Monplaisir à Belle-Beille, dans le temps de la mandature ; de l'autre, la réalité financière des caisses de l'agglo et du porte-monnaie des administrés, peu enclin à encaisser une hausse de fiscalité. Car c'est une évidence, mais ça va mieux en le disant : il n'y aura pas de ligne intégrale sans une contribution fiscale des habitants de la collectivité.
Au-delà de ça, quel choix faire en cas de tracé partiel ? Impossible de dissocier la construction de la seconde ligne de tram des deux opérations de renouvellement urbain engagées sur Monplaisir et Belle-Beille... les deux fins de ligne théoriques. Quelle message politique envoyer s'il faut choisir ? Un signal fort aux étudiants actuels et à venir (les 500 forces de vives de l'Istom, à l'horizon 2018) du campus de Belle-Beille, solution objectivement la plus viable du point de vue de l'économie et de l'usage ? Ou une décision sociale forte en direction de la population de Monplaisir, impatiente de bénéficier d'un tel équipement, et où s'est jouée en partie la dernière élection municipale ?
La mandature de Christophe Béchu se trouve là à un moment charnière, ce qui explique sans doute son indécision (de façade ?) sur le sujet : jeudi soir, il réunira sa majorité municipale pour discuter d'une décision qui mêle à la fois réalité économique, ambition pour le territoire, dimension sociale et enjeu électoral...