vincent29 Wrote:Une échéance de mise en service fin 2024 pour un projet annoncé début 2022 (soit entre 2 ans et demi et 3 ans), le tout sur des infrastructures existantes avec du matériel déjà homologué sur tout le linéaire concerné au moment de l'annonce, ça reste quand même une belle démonstration de la lourdeur du ferroviaire ! Concernant le temps de trajet, je ne sais pas trop d'où vient cette annonce d'une liaison en 7 heures qui paraît bien optimiste, pour ne pas dire complètement irréaliste. L'ordre de grandeur 8h correspond beaucoup plus à ce qu'il est possible de faire à infra constante.
DB Netz a programmé des travaux de grande ampleur sur 4200 km d'axes majeurs du réseau sur période 2024-2030 (*) dans le cadre d'un plan baptisé "réseau à haute performance 2030" consistant à renouveler et moderniser l'essentiel des constituants de l'infra (voie y compris communications existantes et nouvelles, signalisation et enclenchements [remplacement et généralisation de la banalisation, prédisposition des nouveaux postes à l'ETCS 2 ou supérieur...]), sous couvert de périodes de fermeture complète de plusieurs mois. Le premier segment concerné est la Riedbahn, itinéraire le plus rapide entre Mannheim et Francfort. Le maillage très important du réseau (sans comparaison avec notre RFN aujourd'hui très peu maillé, hormis sur une partie de la Lorraine ou Lyon-Marseille) ne permettra pas de conserver la volumétrie d'offre existante vu le niveau élevé du trafic écoulé par l'ensemble des 3 principaux itinéraires. Plus de 60% du trafic global du périmètre devrait être supprimé, un service de bus devant être mis en place pour remplacer de l'ordre de 200 trains par jour (plus de 1000 bus à trouver... sur une période conséquente). Durant cette période, les dessertes à long parcours seront de ce fait dégradées mais aussi réduites en volume (DB Netz évoque une baisse d'un tiers sur l'ensemble du périmètre pour le trafic voyageurs avec des allongements de 30 min et plus, de débit étant privilégié sur la vitesse sur les axes de détournement - pour le fret, ça pourra aller jusqu'à 2 à 3 h), relations Paris-Francfort comprises.
On comprend dans ce contexte que lancer la desserte directe Paris-Berlin au SA2024 n'était guère réaliste, même s'il y a aussi d'autres raisons au décalage. Ce plan, qui n'est pas le seul à viser le réseau ferré allemand (en plus de celui concernant la régénération des NBS 1 et 2), est une des conséquence du plan fédéral massif de modernisation du réseau voté par l'actuelle coalition.
Concernant les temps de parcours sur les deux itinéraires, le retard pris dans la modernisation de Sarrebruck-Ludwigshafen et la réduction de voilure par rapport aux projets initiaux (les accords de La Rochelle prévoyaient un tronçon de LN sur la section très tourmentée Kaiserslautern et Neustadt... abandonné bien avant la mise en service de la phase 1 de la LGV Est) conjugué à la mise en service de la phase 2 de la LGV Est ont rendu le passage par Kehl plus rapide sous couvert d'insertion satisfaisante sur la Rheintalbahn (au trafic dense et dont le racc d'Appenweier est demeuré dans sa configuration minimaliste à niveau et à une seule voie). Mais pour profiter de ce temps de parcours attractif, il faut pouvoir diamétraliser les sillons au niveau de Francfort avec la partie nord-est de/vers Berlin... utilisant aussi des axes chargés et même des tronçons de VU pour les missions via Braunschweig. Les Sprinter Francfort-Berlin sont tracés via le sud d'Hanovre mais la traversée de cette zone est très contrainte avec aucune infra dédiée pour rejoindre l'ABS Hanovre-Berlin orientée côté nord donc nécessitant un rebroussement si l'on veut bénéficier des itinéraires directs. Avec l'absence de ligne nouvelle entre Francfort et Fulda et les vitesses modestes pratiquées sur ce tronçon, cela explique le temps de parcours Francfort-Berlin relativement peu attractif (au vu de l'importance de l'OD). Je n'ai jamais compris pouvoir la vitesse restait calée sur 200 à 250 km/h entre Hanovre et Berlin, alors que le tracé permet potentiellement plus, notamment sur la partie assimilable à une NBS (ce n'est pas le nombre de circulations/heure qui peut l'expliquer, même s'il y a quelques IC).
(*) je mets de côté les fermetures de tronçons des deux premières NBS pour remise à niveau complète, déjà engagée et qui a aussi des conséquences importantes sur le trafic
guillaumehd Wrote:L'évolution de la liaison GV Paris-Berlin est révélatrice de la situation de la DB actuellement (réseau en mauvais état suite à un sous-investissement lié à la politique d'austérité imposée par Merkel pendant des années, réseau saturé suite à l'augmentation du trafic). L'engagement de l'Allemagne pour les TEE est un simple effet d'annonce (les LGV Francfort-Fulda ou Mannheim sont dans les cartons et la réalisation de projets d'infrastructures ferroviaires dure des décennies en Allemagne (cf gare de Stuttgart)). La concrétisation du Deutschlandtakt a été reportée de 2030 à 2070. donc aucun bénéfice pour la plupart d'entre-nous.
Le tableau que tu dresses me semble quand même très à charge. L'âge moyen de constituants de la voie est de mémoire de 17 ou 18 ans sur le réseau allemand contre 27 ou 28 ans pour le RFN (malgré le changement de braquet de ces dernières années, la baisse des investissements sur le réseau classique français ayant débuté dans les années 80 avec un niveau bas atteint à la fin des années 90/début 2000). L'écart est encore plus défavorable pour les IFTE (cf. la caténaire Midi ou ex-Midi partiellement modernisée dont les armement sont hors d'âge et qui nécessitent des abaissements de vitesse de plus en plus fréquent en période de forte chaleur et le bridage des circulations en UM). Les NBS allemandes mettent certes beaucoup de temps à être réalisées et certaines ont été décalées à plusieurs reprises (dont Rhin-Main/Neckar ou Hanau-Fulda) mais il y a eu de lourdes modernisations de grands axes (dont celui Karlsruhe-Basel), le pays est très dense et il n'y a pas (plus) l'équivalent des DUP outre-Rhin (l'histoire expliquant cette situation).
On savait depuis le début que le Deutschlandtakt ne serait pas atteignable en 2030 (dans les documents que j'avais parcourus en 2021 ou 22, cette année 2030 était présentée comme une première étape, l'horizon d'achèvement restant volontairement non chiffré). Mais un cap est bien fixé, et même si cela a pu faire bondir dans mon entourage professionnel français (certains allant jusqu'à évoquer une approche de type "plan quinquennal de l'ère soviétique"), avoir une puissance publique fédérale qui, avec les Länder, s'implique en fixant aux acteurs ferroviaires des objectifs d'offre longue distance, dans le cadre de la transition énergétique (relier toutes les grandes villes du pays à cadence semi-horaire, comme on dit en Suisse, et avec une grande amplitude horaire) est à mon sens très positif. Point d'objectif de ce type en France (à adapter évidemment à la géographie humaine différente du pays), avec le choix du laisser faire (on compte sur les SLO... tout en maintenant des péages élevés) en dehors de quelques rares relations où l’État a repris la main un peu contraint et forcé par son opérateur historique (qui estimait alors que l'offre GL devait se résumer aux TGV axés essentiellement sur les grandes radiales et le point à point). La situation outre-Rhin n'est évidemment pas idyllique mais le niveau d'utilisation du réseau est sans commune mesure avec celui du RFN, qui n'est important qu'en IdF et sur le cœur des principales LGV + qq. tronçons autour des métropoles (et encore... ça n'est pas comparable à l'offre régionale et périurbaine de leurs homologues allemandes).