TGV : l'Elysée donne raison à la SNCF face à RFF sur la question des péages
L'Elysée a fait savoir qu'il était favorable à une stabilisation des péages après 2013.[...]
Un sujet épineuxLa question des péages acquittés par les opérateurs ferroviaires pour circuler sur le réseau ferroviaire fait d'ores et déjà partie des problèmes les plus épineux à résoudre. Depuis presque deux ans, la SNCF dénonce en place publique la hausse vertigineuse de la facture envoyée par RFF, le propriétaire des rails : l'augmentation approche les 40 % entre 2008 et 2012 pour le TGV, menaçant selon la compagnie ferroviaire le modèle économique de son train vedette.
Ce plaidoyer de la SNCF a fait son chemin auprès des pouvoirs publics. L'Elysée a en effet donné récemment des signaux clairs en faveur de la compagnie ferroviaire face à RFF. L'exécutif a fait savoir qu'il était favorable à ce que soient examinées les conditions d'une stabilisation durable des péages au-delà de 2013, pour donner un peu d'air à la SNCF et lui permettre de renouveler son matériel roulant. Une nouvelle qui ravira Alstom, alors que les commandes de TGV ont été reportées sine die.
RFF sera en revanche nettement moins content. Depuis des mois, le gestionnaire du réseau renvoie la SNCF à ses propres responsabilités. Dans le très peu lisible système français, c'est en effet la compagnie ferroviaire qui assure -pour le compte de RFF -les travaux de maintenance, payés par les péages. Or si les péages augmenteront encore de 4,3 % en 2013 par rapport à 2012 (+7,4 % pour le TGV seul), c'est en partie à cause d'une augmentation par la SNCF de la facture de la maintenance de 13,5 %, explique-t-on dans l'entourage de RFF.
La facture des péages du TGV continue de s'envoler
Si RFF a revu à la baisse ses prétentions, les péages de la SNCF vont malgré tout augmenter de 140 millions entre 2011 et 2012. Pour le TGV, la hausse sera de 43 % depuis 2008. Si cette tendance perdure, ses prix devront augmenter de 25 % à l'horizon de 2020.
C'est comment qu'on freine ? Depuis plusieurs mois, la rengaine d'Alain Bashung doit tourner dans les têtes des dirigeants de la SNCF, qui voient la facture des péages payés pour faire circuler les TGV s'envoler d'année en année. Au vu des dernières décisions de RFF, si coup de frein il y a, alors celui ci est très léger.
Le gestionnaire du réseau ferroviaire a ainsi déjà dévoilé les tarifs qu'il compte appliquer en 2012, conformément aux directives européennes. Résultat des courses, les péages devraient augmenter de 2,5 % pour les TER et le fret, et de 4,7 % pour les TGV. Au total, la SNCF devrait donc, selon nos informations, payer 140 millions d'euros en plus en 2012 par rapport à 2011 pour faire circuler ses trains. Le groupe public peut se consoler en se disant que c'est moins que les 200 millions réclamés initialement par RFF. « La SNCF a été partiellement entendue », décrypte un bon connaisseur du sujet. « C'est une solution de compromis et d'équilibre », affirme-t-on à la SNCF.
Un choc difficile à amortirPourtant, cet équilibre paraît bien précaire pour le TGV. Cette activité devrait débourser environ 105 millions en plus (en incluant l'effet volumes) en 2012 par rapport à 2011. Certes, cette hausse de 6,3 % peut paraître bien douce par rapport aux augmentations prévues en 2011 (+ 12,4 %) et en 2010 (+ 11,4 %). Mais cela reste une croissance et, du coup, la tendance constatée depuis 2008 n'est pas fondamentalement remise en cause. Au total, la facture devrait passer de 1,257 milliard en 2008 à 1,8 milliard environ en 2012, soit un bond de 43 % ! Un choc difficile à amortir pour les comptes de l'activité, quand on sait que les péages représentent environ un tiers des charges.
Depuis des mois, la SNCF dénonce ce qu'elle considère comme une attaque contre son modèle économique. Un rapport du Boston Consulting Group remis au printemps dernier au gouvernement lui a donné du grain à moudre. Ce document - dont « Les Echos » ont obtenu une copie -estimait que le TGV ne « pourra pas absorber le choc » de cette hausse des péages, qui pourraient représenter près de 40 % des coûts dès 2013. Si la SNCF veut malgré tout poursuivre sa politique actuelle de « volumes » (beaucoup de trains très remplis), « une hausse supplémentaire de prix de 25 % serait nécessaire à l'horizon 2020 pour restaurer une rentabilité acceptable », est-il écrit. La négociation pour l'évolution des péages après 2012 s'annonce donc ardue. La SNCF a déjà posé ses jalons pour les discussions. Le nouveau plan stratégique 2015 pour le TGV repose, selon nos informations, sur une « modération de l'évolution des péages », avec l'idée de les ramener à un niveau proche de l'inflation ferroviaire (celle pour le renouvellement du rail), à la manière de ce qui se fait pour le fret ou le TER. Même à ce niveau, la compagnie aurait du mal à renouveler complètement son parc de trains en 2020.
En face, RFF veut bien évoquer le sujet des péages, mais réclame en contrepartie que la SNCF revoit à la baisse le prix qu'elle lui facture pour assurer la maintenance du réseau ferroviaire. « Je ne vois pas pourquoi la SNCF, avec toutes ses compétences, ne serait pas capable de se mettre au niveau des meilleurs standards européens », avait expliqué récemment Hubert du Mesnil, le président de RFF. Ce sera au gouvernement de trancher dans les mois qui viennent, alors que son principal souci jusqu'ici a été de parvenir à une solution qui réduise les subventions publiques au système ferroviaire.