Les régions ont du mal à instaurer le « TER à 1 euro »
Deux ans après les élections régionales, les exécutifs éprouvent des difficultés à instaurer les trajets TER à 1 euro. Les dispositifs visent surtout les abonnés domicile-travail. Seul le Languedoc-Roussillon veut généraliser la démarche à tous les déplacements.Le train à 1 euro ! La formule fait penser à un slogan. Pas étonnant. Lors de la campagne pour les élections régionales de 2010, cette proposition faisait partie de la plate-forme électorale des candidats socialistes. Deux ans plus tard la promesse s'est concrétisée, mais pas partout. Surtout, elle revêt des réalités très différentes.
Il y a d'abord les régions qui utilisent ponctuellement la formule en proposant des billets à 1 euro sur une période très limitée (le week-end), sur des destinations bien précises ou à l'adresse d'une population spécifique. La région Nord-Pas-de-Calais, par exemple, le fait depuis 2003, 4 week-ends l'été vers la côte. C'est l'opération « TER mer ». Au total près de 650.000 personnes en ont profité.
D'autres régions, en nombre encore limité toutefois, détournent la formule en proposant, non pas des billets à 1 euro, mais des trajets à 1 euro sur les déplacements domicile-travail. Poitou-Charentes fut sans doute la première à généraliser ce type d'offre sur son réseau. Le mécanisme est simple. Il s'appuie sur la législation en vigueur depuis 2008 sur la prise en charge à 50 % par l'employeur du coût d'un abonnement. La collectivité, elle, offre le coup de pouce sur les 50 % restant à la charge de l'usager du TER. En Poitou-Charentes l'abonné ne paie ainsi plus que 40 euros par mois pour deux trajets quotidiens sur vingt jours. Soit en effet 1 euro par trajet... Un millier de ces abonnements ont été vendus, une dépense raisonnable pour la région, mais un nombre de personnes touchées finalement assez réduit.
Favoriser le pouvoir d'achatAprès réflexion, la région Pays de la Loire va se jeter à l'eau en septembre. « Il s'agit de favoriser le pouvoir d'achat des salariés dans une région très étendue », souligne Gilles Bontemps, vice-président (PC) chargé des transports au conseil régional. Ses promoteurs pensent que ce type d'offre devrait bénéficier à plus de 40 % des abonnés de travail. Le coût du dispositif est estimé à 600.000 euros en année pleine auquel s'ajouteront les coûts de gestion du service, de l'ordre de 200.000 euros. La région Centre évoque, elle, une dépense de 6 millions d'euros par an. Mais son offre équivaut à un trajet à 4 euros par jour pour l'aller-retour. Mise en oeuvre depuis janvier, cette offre s'applique aux trajets infra et interrégionaux, y compris à destination de l'Ile-de-France.
Beaucoup d'autres régions n'éprouvent pas la nécessité de telles offres, car, de facto, les trajets courts se situent déjà en dessous de 1 euro pour les abonnés domicile-travail. « Nous nous sommes aperçus que cette mesure n'était pas nécessaire dans la mesure où le prix moyen acquitté par un salarié pour son trajet domicile-travail est déjà en effet de 1 euro si l'on tient compte de la part payée par l'employeur », argumente-t-on au Conseil régional d'Aquitaine. Un constat toutefois seulement valable pour les employés d'entreprises de plus de 9 salariés.
En Rhône-Alpes, on est beaucoup plus réticent, même si l'engagement en 2010 de Jean-Jack Queyranne, le président PS du conseil régional, que les trajets en TER ne coûteraient pas plus de 2 euros aux abonnés domicile-travail et aux abonnés étudiants, est tenu. « Nous sommes réticents à l'idée du TER à 1 euro. Nous partons du constat que ce qui favorise le report modal massif, ce n'est pas le tarif mais le niveau de service », insiste Jean-Charles Kohlhaas, président de la commission transport. Précisément, pour améliorer ce service « nous ne pouvons pas nous priver de recettes ». D'après l'élu écologiste, le passage à 1 euro entraînerait un manque à gagner de quelque 100 millions pour un peu plus de 180 millions de recettes billettiques.
Un objectif pas seulement socialL'objectif social de ces offres est clair. Mais ce n'est pas le seul. Le but consiste aussi à obtenir un effet d'entraînement sur la fréquentation des TER. « La finalité est de reporter une part du trafic automobile sur les transports en commun. C'est un objectif partagé avec la SNCF », affirme l'élu des Pays de la Loire, Gilles Bontemps.
Seule à ce jour la région Languedoc-Roussillon veut pousser la démarche jusqu'à l'extrême avec l'instauration du billet à 1 euro sur toutes les lignes. L'expérience est suivie avec attention mais non sans une certaine incrédulité, notamment sur les capacités financières de la région à soutenir une telle ambition sur le long terme.
chiffres clefs-800.000 voyageurs par jour
-5.700 trains quotidiens
-299.000 abonnés
-2.000 services régulierspar autocar TER
-260 lignes assurées par trains TER
-240 lignes d'autocars TER
-91 % de régularité à 5 minutes (en 2009)
Matériels roulants
-90 % du parc renouvelé en 2010, dont : 700 Automotrices à Grande Vitesse (AGV) 220 TER à Deux Niveaux Nouvelle Génération (TER 2Nng)
(source : SNCF)
Le Languedoc-Roussillon est seul à vouloir pousser le système jusqu'à son extrême
Quatre lignes de TER à 1 euro fonctionnent à ce jour dans la région. Une cinquième est prévue en décembre.La région Languedoc-Roussillon et la SNCF viennent tout juste de démarrer la quatrième expérience du TER à 1 euro en Lozère sur la ligne Bastide-Mende-Marvejols. Un vrai billet à 1 euro, qui porte sur les déplacements occasionnels ! Sur Mende-Marvejols, la SNCF mise sur une hausse de la fréquentation de 10 % à très court terme. Une première expérience avait été lancée il y a un an sur la ligne Nîmes-Le Grau-du-Roi en bord de mer avec une hausse de fréquentation de 196 % sur les deux mois d'été. Entre septembre et la fin de l'année dernière, la hausse de la fréquentation a encore été de 71 %. Auparavant près d'un tiers des usagers faisait le trajet en voiture sur cette ligne.
Généraliser le dispositifLancée en décembre dans les Pyrénées-Orientales, la ligne Perpignan-Villefranche-Vernet-les-Bains a enregistré, elle, une progression de 222 % du trafic passagers. Une troisième ligne a été ouverte en mars dans l'Aude, entre Carcassonne et Quillan, qui sera suivie en décembre prochain de la ligne Béziers-Bédarieux. « Nous ne sommes pas très loin du point d'équilibre, ce qui est l'objectif recherché par la région. Nous serons entre 0 et 5 % de déficit sur une année d'exploitation avec peu de dépenses supplémentaires », assure Jean Ghédira, directeur régional de la SNCF.
In fine, le conseil régional souhaiterait généraliser le dispositif du TER à 1 euro. Selon Christian Bourquin, président PS de la région, « c'est un moyen de redonner du pouvoir d'achat aux habitants ». En 2013, il souhaiterait mettre en place une sorte de « Métro Express Régional » reliant le chapelet des villes côtières entre Nîmes et Perpignan. « Aujourd'hui notre dépense totale en faveur des TER s'élève à 106 millions d'euros. Puisque nous payons l'addition, autant que ça marche et que les trains soient remplis ! Selon nos calculs, la généralisation du train à 1 euro pourrait occasionner un surcoût d'exploitation entre 5 et 6 %, mais guère plus », explique Christian Bourquin.
Tensions avec la SNCFLes négociations avec la SNCF sont toutefois tendues car, selon la région, le transporteur national se montre très gourmand et voudrait multiplier par trois ou quatre le montant de la contribution régionale ! A tel point que Christian Bourquin aurait menacé de faire appel à un opérateur privé... « Les expérimentations se poursuivent et il n'y a pas de réticences au sein de la compagnie. Nous avons même le sentiment de participer à une aventure révolutionnaire. Notre souci, c'est d'offrir à nos clients et à la région les meilleures conditions d'exploitation », assure-t-on à la SNCF.
Mais avant de généraliser le « Métro Express Régional », il sera nécessaire de remédier aux heures de pointe à la saturation de la ligne Perpignan-Nîmes. Or le contournement Nîmes-Montpellier ne devrait voir le jour qu'en 2016 et la ligne nouvelle entre Montpellier et Perpignan n'entrera pas en service avant 2020.