Orchies : Un père proteste contre les retards des trains
À cause des trains, sa fille arrive régulièrement en retard au travail. De peur de la voir licenciée, un Orchésien a décidé d'écrire une lettre au conseil régional et à la SNCF pour protester contre les retards des trains Orchies-Lille depuis les nouveaux horaires.
Il est 7h45 en gare d’Orchies. Les voyageurs en direction de Lille affluent sur le quai n° 2. Le train a 5 minutes de retard. Il arrive déjà plein de voyageurs. Certains passagers d’Orchies devront donc voyager debout. Mais aujourd’hui est plutôt un bon jour. « Le pire c’est le mardi et le jeudi », confirme Frédéric, usager de la ligne depuis 5 ans. Certains jours c’est la cohue. Les trains qui viennent de Jeumont et vont vers Lille arrivent bondés, en retard, il faut se serrer debout pour voyager.
Las de cette situation, Jean-Noël Leduc, un Orchésien, a décidé de prendre le problème à bras-le-corps. Il a envoyé une lettre au conseil régional ainsi qu’à la direction régionale de la SNCF pour protester contre les retards trop fréquents depuis le changement de cadencement.
Trop grande affluencePourtant Jean-Noël Leduc, n’est pas un usager quotidien du train, c’est plutôt sa fille, Anne*. Elle habite Marchiennes et travaille depuis un an à Roubaix. Propriétaire de sa maison, elle ne peut pas déménager. Alors tous les matins, elle prend sa voiture, dépose son jeune fils chez ses parents à Orchies, et file à la gare pour prendre le train vers Lille, puis le métro pour Roubaix.
Chaque matin, Jean-Noël et sa femme voient leur fille arriver en vitesse, stressée, et chaque soir revenir tard, complètement abattue. « Son train est toujours en retard. Ils disent que c’est dû à une trop grande affluence. » Trop de monde veut prendre le train du coup à chaque gare, le train prend 5 minutes de retard le temps de faire monter tout le monde. « Des fois des gens veulent monter avec des vélos, raconte Frédéric. Mais il y a tellement de monde qu’ils ne peuvent pas y monter. Alors ils restent sur le quai. »
Son ami, Robert prend le train depuis 15 ans, toujours sur la même ligne. Et depuis 5 ans, il voit l’affluence augmenter sérieusement. « L’abonnement coûte 50 euros, avec la montée du prix de l’essence, il est plus intéressant de prendre le train. Surtout depuis que les employeurs sont obligés d’en financer la moitié. »
Anne prend à chaque fois qu’elle le peut une attestation de retard auprès de la SNCF, mais redoute une chose : que ces retards successifs au travail lui valent un licenciement. « On connaît tous les difficultés pour trouver un travail. Ma fille en a un. Mais elle est à bout. » Des larmes, de l’énervement, du stress, c’est le quotidien de cette usagère, qui certains jours rentre si tard qu’elle manque le dîner de son fils. « Ce n’est pas cela la vie », déplore son père.
Trouvé leur cadence ?La situation est ainsi depuis le nouveau cadencement des trains régionaux, mis en place le 12 décembre 2011. Deux trains sur quatre du matin ont été supprimés, « et le soir à Lille, il n’est reste plus qu’un », confirme Frédéric.
Et la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Jean-Noël lit dans la revue du conseil régional un article intitulé « Les TER ont trouvé leur cadence ». « Selon l’article, explique Jean-Noël Leduc, les comités de lignes, (équipes chargées d’évaluer les lignes de train dans la région, ndlr.) trouvent que tout se passe bien, que tous les trains sont à l’heure. Je ne sais pas ce qu’ils fument avant de monter dans le train, mais je mets sérieusement en doute leur bonne foi. »
Grincheux à preuvesC’en est trop pour ce père qui voit sa fille revenir en larmes le soir, dans la peur de recevoir une lettre de licenciement.
Il se décide donc à écrire une lettre. Dans celle-ci, il raconte les déboires de sa fille, mais surtout y joint un tableau récapitulatif des retards du train mais aussi des trains qui ont été supprimés.
Pragmatique, il n’espère que peu de réponse. « J’espère qu’un élu aura quelque intérêt pour mon courrier. »
Outre pour sa fille, cet Orchésien a peur pour les autres. « Je suis sûr qu’il y a des gens à bout. Nous ne sommes pas complètement à l’abri d’un suicide, quelqu’un qui se jette sous les rails. »
Jean-Noël Leduc n’est pas le seul à protester. Au total en France, la médiatrice nommée pour le cadencement a reçu quelque 2 300 lettres d’usagers ou de collectivités mécontents.
« Il y en a des grincheux », sourit Jean-Noël Leduc avant d’ajouter brandissant les attestations de retards de la SNCF collectées par sa fille : « Mais moi, je suis un grincheux avec des preuves ! » Selon la médiatrice de la SNCF, 72 % des demandes des “grincheux” devraient être réglées en 2012.
* Prénom d’emprunt