Le RER peut-il sortir de son tunnel ?
La commission d'enquête parlementaire qui a rendu un rapport le 7 mars 2012 sur les RER, deux jours après un gros couac sur le réseau de transport francilien, préconise un train de mesures pour en finir avec les dysfonctionnements et les désagréments quotidiens subis par les usagers.Hasard du calendrier, deux jours après la panique générale, le 5 mars, sur les lignes B et D du RER, liée à un enchaînement malheureux d'incidents techniques et voyageurs, une commission d'enquête parlementaire présentait un train de mesures concrètes pour améliorer le réseau de transport suburbain "à bout de course, qui n'a pas bénéficié des investissements suffisants sur les 20-25 dernières années".
Dans son rapport, le président de la commission d'enquête, le député UMP des Yvelines Pierre Morange, préconise 32 mesures, dont six figurent dans une charte qu'il espère faire rapidement signer aux dirigeants de la SNCF, de la RATP et de Réseau ferré de France.
L'élu réclame que des représentants des usagers puissent siéger aux conseils d'administration et de surveillance de ces organismes ainsi que la mise en place, d'ici à fin 2012, d'un "système d'information fiable, complet et multimodal pour communiquer de manière systématique des informations en cas d'incident" aux voyageurs, dans toutes les gares, y compris en langue étrangère.
"Souffrance morale"Près de 3,6 millions de Franciliens participent selon lui à une "transhumance quotidienne, passant 2 à 3 heures par jour dans les transports". Ils vivent "une vraie souffrance, morale, physique, doublée d'un stoïcisme, avec ce sentiment d'être pris en otage par le système, d'être du bétail, c'est inadmissible", a-t-il exposé.
Peu de chiffres existent sur les retards, mais "les études montrent que les gens anticipent en général une demi-heure" sur l'heure à laquelle ils sont censés arriver, sans parler des rames bondées qui obligent à attendre le train suivant en heure de pointe. Sur la ligne A par exemple, la plus empruntée avec son million de passagers quotidiens, les retards concerneraient, selon la SNCF et la RATP, 12% des trains, tandis que le RER B cumulerait 15 à 20% de retard, selon le député. "C'est la pire, sur certains tronçons ça peut monter à 33%", commente-t-il.
Les "voyageurs" (signal d'alarme actionné, blocage des portes, colis abandonné, atteintes à la sécurité et incivilités, mais surtout les suicides) en sont la première cause directe (40 à 44%), suivis des problèmes sur le matériel roulant (30%).
Saturation du réseauMais la principale explication réside dans la saturation du réseau, alors que le nombre de voyageurs a augmenté de 30% sur les dix dernières années et devrait augmenter d'autant dans la décennie à venir, selon Pierre Morange, qui dénonce également l'inconfort, le manque de propreté et de sécurité des trains.
La mise en place d'une gestion unifiée de la ligne A et B d'ici à fin 2012, par le biais d'un poste de commandement unique, alors que des tronçons sont actuellement gérés alternativement par la SNCF ou la RATP, figure aussi parmi les mesures préconisées dans ce rapport (lire notre article sur ce sujet).
Il propose par ailleurs de donner au Syndicat des transports en Ile-de-France, (Stif), un rôle moteur dans la gestion globale du réseau.
Le député regrette de ne pas avoir obtenu d'informations financières précises de la part de la RATP et de la SNCF, dont la comptabilité sur l'Ile-de-France n'est pas détaillée, ce qui provoque "une absence de connaissance réelle du coût du réseau".
Il réclame de pouvoir consulter des comptes détaillés d'ici à fin 2012. D'autant plus que, selon des indications de RFF, citées par le député, une bonne partie des droits de péage d'Ile-de-France, soit au moins 400 millions d'euros, ont été dépensés sur les réseaux d'autres régions de l'Hexagone.
Plan de mobilisation Pour Jean-Paul Huchon, "Ce rapport valide totalement la logique du Plan de mobilisation pour les transports que les collectivités franciliennes et le Stif défendent depuis 2008 et auquel l'État s'est dernièrement rallié suite aux débats publics sur le Grand Paris", s'est réjoui le président socialiste de la Région et du Stif. Deux urgences avaient en effet été identifiées : les lignes RER, ainsi que la désaturation de la ligne 13 par le prolongement de la ligne 14.
Le chef de file de la région "salue" les propositions des parlementaires sur les financements pour la modernisation des RER : "La sécurisation des financements de l'Etat en faveur des RER et le réinvestissement en Ile-de-France de l'intégralité des redevances payées par le Stif sont une première réponse (...) De la même manière, la Région est engagée dans la durée pour la modernisation du réseau. Mais il faudra sans doute aller plus loin, en mobilisant des ressources nouvelles ou existantes", a-t-il ajouté.