par playschool » 24 Avr 2012 2:14
Semblerait que le débat chauffe.
Pour revenir sur des arguments très concrets:
- coût des matériels roulants: en gros un light tram de Hess (je crois autour de 1,2M€) coûte la moitié d'un tramway (rame de ~30m se chiffrant à environ 2,5M€). En retenant qu'il s'agit d'un trolley diésélisé, il a une durée de vie d'environ la moitié d'un tram. Donc ramenée à une année, les coûts sont du même ordre de grandeur, ramené encore à la capacité, le tram à un avantage d'environ 10% à 20% (à grosse coup de cuillère à pot donc).
Quand on parle de BHNS faut-il encore savoir de quoi on parle... et en l'espèce c'est assez flou, le CERTU n'aidant au final pas plus que cela.
Pour revenir sur des ordres de grandeur généralement admis:
- une mise en priorité d'un axe avec voie de bus et priorité relative et partielle aux feux coûte dans les ~1M€/km
- une mise en site propre type tram coûte dans les 5-6M€/km, sans y inclure trop d'embellissement de l'espace urbain. Les déviations de réseaux sont très conseillées. En effet, de manière identique au tram, les interventions sur les réseaux souterrains deviennent alors trop pénalisantes pour les TC une fois en site propre. On pourrait d'ailleurs très bien laisser les réseaux sous le tram... c'est juste que tout casser à chaque fois qu'il faut ouvrir cela coûte très cher aux concessionnaires, donc autant laisser l'argent public payer.
- l'électrification coûte pour un trolley dans les 1 à 1,5 M€/km dans un projet "simple"
Je vois que le projet de ligne E revient environ à 300M€, soit environ 26M€ dont
- Voiries, réseau, génie civil et ouvrages d'art: 88M€. A niveau de qualité équivalent, un BHNS coûte peu ou prou le même prix. On peut également faire des tramways moins chers, preuve en est les choix faits à Montpellier hors du centre dense, on va dire que dans l'ensemble c'est moins luxueux qu'au centre.
- Acquisitions foncières: 29M€. Là encore, à qualité équivalente, le coût est grosso-modo identique. Certes l'emprise d'un bus est d'environ 1m plus large que celle d'un tram. Dans les endroits très contraints, les trams comme le bus peuvent se mélanger au trafic routier, même si les services de l'Etat n'aiment pas trop cela (mais bon, l'utilisation des BAU par les cars non plus ils n'aimaient pas).
- Matériel roulant: 45M€. Comme dit précédemment, au moment de l'investissement, le Light Tram coûte deux fois moins cher (la différence de parc est faible, cf ci-après). Dans la durée, un poil plus.
- Voies, lignes aériennes et énergie: 42M€. Dans le cas d'un véhicule hybride, on peut admettre que ce poste disparaît complètement (la voi(ri)e est comprise dans les 88M€ ci-avant)
- Equipements d'exploitation et dépôt: 26M€. Il y a certainement quelques économies possibles sur ce poste avec un bus, mais s'agissant d'un nouveau type et en admettant qu'il faudrait de toute façon étendre les installations existantes, les coûts ne seront pas nuls.
Les autres coûts (aléas et ingénierie) sont généralement proportionnels au montant total.
Résultat, toute chose étant égale par ailleurs, le bus aurait permis d'économiser probablement 50 à 60 M€ par rapport au tram en investissement. On peut bien entendu revoir la qualité à la baisse pour que cela coûte moins cher, mais ce n'est pas strictement lié au bus, on peut aussi faire du tram moins cher.
Autre question, le tram est-il opportun?
On parle d'une fréquentation de 25'000 à 31'000 voy/j. (ce qui n'est pas "énorme" non plus, la fourchette haute correspondant à un développement urbain de +20'000 habitants et +2'500 emplois). Au final ce chiffre ne dit pas grand chose. Celui qui est intéressant et qui pour une fois est donné est le 1'500 voy/h/sens. C'est sur cette valeur qu'on dimensionne l'infrastructure. En admettant que la capacité normale d'exploitation d'une rame TFS est de 131 personnes (2,5 personnes/m2 et ça donne déjà un sentiment de bien tassé!), il faut une fréquence de 5,24 minutes pour écouler la charge. Avec un temps de parcours de 29 minutes, ça fait à peu près 14 rames en ligne pour une fréquence de 5'.
Même raisonnement avec le light tram. Sa capacité en condition normale est plutôt de l'ordre de 119 personnes (aménagement intérieur type TPG). La fréquence pour écouler la charge est donc de 4,76 minutes. Pour une fréquence de 4,5', en admettant que les temps de parcours sont identiques au tram, il faut probablement 16 voitures en ligne. (+2). Si ces deux voitures supplémentaires ne le sont qu'en heures de pointe, le différentiel en personnel de conduite est de l'ordre de 1,5 à 2 ETP (en ordre de grandeur c'est donc 0,1M€/an, donc 4M€ sur 40 ans).
Il est probable que les économies de coût de conduite du tram sont en fait consommées par des coûts d'exploitation un peu plus élevées (il y a par exemple plus de sous-systèmes à entretenir et moins de coûts externalisés dans un mode ferroviaire que dans celui du routier). Il est aussi vrai que le calcul s'effectue avec le bus le plus capacitaire d'un côté et le tram le moins capacitaire de l'autre. Donc le premier est saturé par les prévisions et l'autre conserve un potentiel de croissance.
L'opportunité se regarde toutefois sous d'autres angles plus qualitatifs et subjectifs:
- le projet de ligne E s'inscrit également dans un contrat d'axe liant urbanisation et infrastructure de transport. Il s'agit donc d'un outil détourné d'aménagement du territoire, qu'il aurait été plus délicat à faire passer avec du bus, fut-il hybride, HNS avec les roues cachées, etc...
- il y a un intérêt à bénéficier de l'effet réseau. La ligne E toute seule n'a finalement que peu de sens. Elle s'appuie sur les acquis des lignes précédentes. La multiplication des systèmes non compatibles entre eux est possible mais non souhaitable si non proprement coordonnée (les contre-exemples sont bien évidemment nombreux!)
- je crois qu'en lisant entre les lignes, cette ligne E a rebondit sur l'abandon de projet de tram-train ou tram périurbain que nourrissait le CG (et dont j'ai oublié le nom). Le choix politico-technologique du tram pour la E est compatible avec ce projet dans un futur plus lointain (je dis politico-technologique, car parfois le politique à beau en avoir décidé ainsi, cela ne marchera pas). Ce n'est pas clairement dit dans les documents de présentation, mais un peu quand même. En tout cas, les calendriers concordent (le projet de tram-train a dû rejoindre le tiroir courant 2006 et le projet ligne a démarrer courant 2007).
Il est donc probable que la réalisation de la ligne E en mode BHNS aurait pu faire économiser un peu d'investissement, toute chose étant égale par ailleurs. Par contre cette vision s'inscrit dans une vision à court terme, puisqu'en bus, la ligne ne se serait pas intégrer dans le réseau principal du coeur d'agglomération et dans les projets possibles de sa périphérie. A un horizon moyen (10-15ans) le tram semble se justifier à un horizon long terme (20-30 ans), le tram semble s'imposer.
Voilà de manière très schématique et surtout beaucoup plus simplifiée (heureusement que le dossier de concertation contient des chiffres précis!) ce qu'aurait pu dire un bureau d'études à un élu demandant "faut-il faire un tram?". C'est possible que la question ne se soit pas posée ainsi.