Mais que dire financièrement ? Tout laisser à Bombardier peut, à priori, "peut-être" augmenter la facture. (pas de choix, de concurrence etc...)
Objectif : démontrer qu'il est préférable,
à tout moment, de laisser Bombardier construire et gérer une ligne de TVR.
Attention, petit raisonnement économique simple : soit une entreprise, par exemple Bombardier (le hasard fait bien les choses non ?

). Elle dispose d'un produit, TVR, qui lui a couté un certain prix pour le développement. Bombardier doit donc faire en sorte de vendre son produit pour amortir ces coûts de développement. Jusqu'ici rien de compliqué. Admettons que Bombardier réussisse à vendre deux TVR (lignes + véhicules) sur un argument de moindre coût (le système est intéressant parce qu'il est moins cher qu'un tramway sur fer classique).
Conséquence : Bombardier doit trouver un prix de vente pour sa technologie (ce qui comprend la construction de la ligne et l'entretien des véhicules) qui 1. lui permette d'amortir suffisamment ses frais de recherche 2. lui permette de vendre ledit produit beaucoup moins cher qu'un système ferré.
Pour les économistes c'est un banal problème de maximisation sous contrainte : Bombardier doit maximiser son profit sachant qu'un prix trop élevé va faire fuir les éventuels acheteurs.
Conséquence : confier la construction et surtout l'entretien de la ligne à Bombardier permet de concilier 1. l'expertise 2. un coût de revient faible, car même si ces opérations seront coûteuses pour Bombardier l'entreprise sera incitée à ne pas les surfacturer. Car si elle les surfacture, son argument commercial principal (moindre coût) s'effondre.
Donc non, tout faire faire par Bombardier n'est pas nécessairement plus coûteux. Et la concurrence n'est pas la seule situation qui permet de maintenir des prix faibles pour l'acheteur.
Mais, à un moment donné, problème : les dysfonctionnements, qui sont normaux, de la technologie sont portés à l'intention du grand public, par l'intermédiaire de la presse. Conséquence : le produit TVR a une image désastreuse.
Apparté : pourquoi ces dysfonctionnements sont connus de la presse ? Parce qu'un des clients du TVR, noté CUGN, a décidé de faire circuler les trams un mois et demi à peine avoir mis en service la ligne. Conséquence : tout un tas de problèmes qui auraient été résolus pendant une phase de test plus longue sont résolus pendant le service commercial du système. A tel point que le produit est interdit de rouler, étant jugé "dangereux" par les autorités compétentes. La situation est d'autant plus grave que dans le cas qui nous intéresse, Bombardier n'a même pas construit lui-même la ligne ! C'est une organisation incompétente (dans le sens "qui n'est pas faite pour ça" -- la CUGN) qui l'a bâtie, l'expertise de Bombardier en moins évidemment...
Fin de l'apparté.
Donc le produit a une image désastreuse. Bombardier décide alors de ne plus le commercialiser (point à confirmer par une déclaration officielle de Bombardier). Conséquence : Bombardier n'est plus incité à offrir ses services à moindre coût, puisque l'argument de vente ("le système n'est pas cher") n'a plus la moindre utilité, vu qu'il n'y a plus de ventes du tout. Nouvelle conséquence : Bombardier part du principe que ses TVR seront les seuls existants, et qu'il faut donc faire en sorte d'amortir au maximum les frais jusque là engagés. Comment ? En surfacturant à des niveaux considérables les prestations fournies par Bombardier (maintenance, fourniture de pièces détachées, etc.) aux deux seuls clients.
De ce que je viens d'écrire, deux choses :
1. c'est par la faute de la CUGN, par sa volonté de tout faire, que Bombardier ne commercialise plus de TVR. Autrement dit, Nancy s'est tiré elle-même une balle dans le pied, puisque si elle avait laissé faire Bombardier pour tout, le produit aurait probablement meilleure presse, il s'en vendrait plus et Bombardier serait alors incité à maintenir des prix plus faibles
2. dans le cas de la CUGN, la situation est encore plus perverse, parce que non seulement elle a condamné le TVR mais en plus elle a eu le culot d'attaquer Bombardier en justice ! Certes la CUGN a gagné, mais elle a rendu les choses encore plus complexes en obligeant, par la loi, Bombardier à maintenir les frais de maintenance à 2 millions d'euros par an jusqu'en 2009. Parce que désormais Bombardier se retrouve acculé : il ne peut plus vendre son produit parce que même s'il n'est pas si mauvais personne n'en veut (n'oublions pas ce que ce sont les élus qui décident, et ils se fient à la vindicte populaire assez facilement...), et les frais de développement seront reportés sur le seul agent qui n'a pas obligé Bombardier à limiter à 2 millions d'€ par an la maintenance des véhicules : le syndicat des transports de Caen ! Mais ce syndicat peut déjà avoir pu négocier avec Bombardier un certain montant annuel de frais de maintenance, ce qui fait que Bombardier ne pourra donc pas faire supporter à ce syndicat les frais de développement... Acculé de la sorte, Bombardier n'a peut-être plus qu'une solution : définitivement tirer un trait sur le TVR et passer à autre chose. Problème : comment vont faire Caen et Nancy lorsqu'il faudra changer des pièces si Bombardier décide de ne plus en produire ? Surprise...
Il pesait ce qu'on appelle un risque industriel sur le TVR : technologie unique au monde, celle-ci pouvait mal se finir si n'importe quoi était fait. En l'occurrence, étant unique, si Bombardier décidait de cesser toute commercialisation de la technologie et des services associés, les clients de la technologie TVR se retrouveraient dans la merde, mais jusqu'au cou ! Caen a joué franc-jeu en laissant Bombardier tout faire, mais la CUGN non, la CUGN a voulu faire mieux que tout le monde, et ce faisant la CUGN a réalisé le risque industriel tant redouté ! La pire chose qui aurait pu arriver au TVR, qui est l'arrêt de sa commercialisation, a été rendu possible par l'action de la CUGN !
Vu ainsi, je pense donc que si Bombardier avait tout fait lui-même, au final 1. les prix auraient plus faibles, vu que Bombardier, pour vendre son produit, aurait été obligé de maintenir des prix compétitifs. De plus il ne serait pas retrouvé avec l'obligation disons financière d'amortir ses frais de recherche sur seulement deux villes, dont une au moins qui lui mène la misère (la CUGN) 2. la technologie aurait eu une bien meilleure presse, et aurait pu trouver sa place, que je pense bien réelle, dans l'offre de transport en commun lourds (entre le busway nantais et le tramway sur fer classique).
Au final, par la faute de la CUGN, ce sont plusieurs centaines de millions d'euros qui sont partis en fumée... Les économistes vous diront la chose suivante : il était dans l'intérêt de tout le monde (CUGN et Bombardier) que le TVR continue à être commercialisé. Mais lorsque les agents font chacun leurs "jeux" (dans le sens de stratégies) sans coopérer entre eux il est possible que tout dérape et qu'au final on arrive à un équilibre sous-optimal (qui ne profite à personne : ici Bombardier n'aura jamais de TVR bénéficiaire, et à moyen terme la CUGN s'expose à une pénurie de pièces de rechange, ce qui peut la conduire à faire appel à une autre technologie, à grand frais évidemment). Voilà ce qui est arrivé avec cette technologie TVR, qui a souffert de l'impérialisme de la CUGN.